TVA & voiture de société : ce qu’il faut comprendre !

Non classifié(e)

Petit historique

Les faits remontent à 2013 et font suite à un litige entre l’administration fiscale allemande et une société luxembourgeoise dont deux employés résidents allemands bénéficiaient d’une voiture de fonction. En 2013, l’administration fiscale allemande a publié une circulaire selon laquelle la mise à disposition d’une voiture par un employeur à son employé devait être qualifiée de location longue durée d’un moyen de transport, et donc soumise à la TVA en vigueur au lieu de résidence du conducteur.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu sa décision le 20 janvier 2021. Dans son arrêt, la Cour fournit des indications sur les circonstances dans lesquelles la mise à disposition d’une voiture de société peut être qualifiée de « location à long terme d’un moyen de transport », entraînant pour l’employeur luxembourgeois des obligations en matière de TVA dans le pays de résidence de son employé.

Les critères clés à prendre en considération

Sur base de l’arrêt de la CJUE, la mise à disposition d’une voiture par un employeur à son salarié est considérée comme « une location de véhicule à long terme », et donc soumise à la TVA dans le pays de résidence du salarié si les 3 conditions cumulatives suivantes sont remplies :

  • Le véhicule est mis à la disposition du salarié pour une période de plus de 30 jours consécutifs.

  • Le salarié doit avoir le droit permanent (à l’exclusion de toute autre personne) d’utiliser le véhicule à des fins privées. 

  • Une contrepartie doit être versée. La mise à disposition du véhicule doit être effectuée « à titre onéreux » soit par le biais:
    • d’un paiement effectué par l’employé à l’employeur (par exemple, une déduction sur salaire ou une participation du salarié au leasing), ou/et
    • d’une rétention, par l’employeur, d‘une partie de la rémunération en espèces de l’employé (salary sacrifice),  

  • ou/et du choix de l’employé entre différents avantages offerts par l’employeur conformément à un accord entre les parties en vertu duquel le droit d‘utiliser le véhicule de société impliquerait la renonciation à d’autres avantages (budget voiture / prime mobilité permettant au salarié de choisir entre une voiture et/ou un autre moyen de transport et une rémunération en cash par exemple).

Ce qu’il faut retenir

Dès lors que ces 3 critères seront remplis, la TVA, au taux en vigueur dans le pays de résidence du salarié, sera applicable sur la mise à disposition du véhicule de société :

  • l’employeur est la personne redevable de ce montant de TVA, qui est dû pour tous les salariés, y compris ceux résidant à Luxembourg.

  • l’employeur est chargé de collecter cette TVA, de la déclarer et de la reverser aux autorités du pays de résidence du salarié.  Pour ce faire, il existe un système européen d’enregistrement unique, « ONE STOP SHOP » permettant aux entreprises de déclarer et de payer la TVA due dans les autres Etats membres.

Dans les faits, l’employeur est libre de prendre en charge ou non le montant de TVA dû sur la mise à disposition du véhicule.

  • Soit l’employeur prend en charge la TVA : cette prise en charge par l’employeur de la TVA dont le salarié est débiteur constitue théoriquement un avantage en nature qu’il conviendrait de reporter sur la fiche de paie.

  • Soit l’employeur laisse la TVA à la charge du salarié et il collecte ce montant TVA par le biais d’une déduction sur le salaire net du salarié.

Mais encore

L’employeur luxembourgeois, désormais tenu à de nouvelles obligations TVA dans le pays de résidence du conducteur, doit nécessairement s’intéresser à la manière dont les autorités luxembourgeoises et frontalières ont réagi à l’arrêt rendu en janvier 2021 par la Cour de Justice de l’Union européenne.

Position de l’administration luxembourgeoise

A la suite de cet arrêt, l’administration luxembourgeoise de la TVA a publié, en date du 11 février 2021, la circulaire n° 807 concernant la TVA des voitures de société, qui reprend clairement les critères et les enseignements développés par la CJUE. 

Ensuite, la circulaire TVA n°807 bis du 28 avril 2023 est venue apporter davantage de précisions.

Ainsi, lorsque l’employeur et l’employé se mettent d’accord sur un montant en numéraire dont l’employé peut disposer pour la mise à disposition d’une voiture de société ou lorsqu’ils fixent des critères permettant de déterminer le coût en numéraire d’une telle mise à disposition, le caractère « onéreux » de la mise à disposition est établi. Tel est le cas, entre autres, lorsque les parties conviennent dans le contrat de travail ou dans un avenant à ce contrat que l’employé a droit à un « budget voiture » correspondant à un montant déterminé.

Aussi, dans le cas d’une voiture de société utilisée par un salarié résident au Luxembourg, la circulaire indique que la TVA luxembourgeoise doit être appliquée sur « la valeur du marché» de cette mise à disposition.  Pour un véhicule de leasing, il s’agit en principe du montant du loyer, majoré de tous les frais supplémentaires encourus par l’employeur pour ce leasing. Si l’employeur est propriétaire de la voiture, la base imposable devrait être la valeur d’amortissement de la voiture calculé sur une période de 5 ans, y compris les frais annexes. Cette valeur marché ainsi obtenue peut être pondérée en tenant compte de l’utilisation professionnelle du véhicule.

Aucune de ces deux circulaires ne mentionne clairement à partir de quand ces nouvelles règles doivent s’appliquer aux résidents luxembourgeois. A défaut de mention explicite, la date de l’arrêt pourrait raisonnablement être retenue, soit janvier 2021.

Position des pays voisins

Pour les résidents belges, il faut tenir compte de la circulaire[CF1]  2023/C72 du 1er septembre 2023,  d’application rétroactive au 1er juillet 2021.

Reprenant exactement les 3 mêmes critères d’application que la Cour de Justice, cette circulaire consacre que la mise à disposition d’un véhicule par un employeur luxembourgeois à un résident belge constitue, si les conditions sont remplies, un service de location de véhicule à long terme, à soumettre à la TVA belge.

La base d’imposition est constituée par la « valeur normale » : soit le loyer HTVA majoré des frais HTVA pour le véhicule pris en leasing, soit le prix d’achat HTVA divisé par 5 et majoré des frais HTVA pour le véhicule dont l’employeur est propriétaire.

A la différence de l’administration luxembourgeoise, l’administration belge a fixé un forfait général de 35% représentant la part d’utilisation professionnelle. Par application de ce forfait, le salarié ne supporte la TVA que sur la part de son utilisation privée, évaluée à 65 %. Ainsi, un employeur luxembourgeois qui peut déduire 100% de la TVA en amont relative au véhicule qu’il prend en leasing et qu’il met à disposition de son employé résident belge, calculera la valeur normale, s’il souhaite appliquer le forfait général de 35% comme suit : (Loyer HTVA + Frais HTVA) x 65%. Si l’entreprise n’a qu’un droit à déduction partiel (et non 100%), il y a lieu de tenir compte de ce prorata de déduction de la manière suivante: (Loyer HTVA + Frais HTVA) x 65% x prorata de déduction.

Du côté allemand, la transposition de l’arrêt n’est pas encore entièrement finalisée alors que les autorités françaises ont confirmé l’applicabilité de l’arrêt dans une lettre du ministère des Finances.   

Pour finir

*Ou la valeur contractuelle si elle est supérieure

Face à cette matière technique et pluridisciplinaire, nous vous recommandons l’approche suivante :

  • Déterminer si votre politique de mise à disposition du véhicule de société entre ou non dans le champ d’application de l’arrêt ;

  • Evaluer l’impact financier : estimer pays par pays le montant de TVA qui serait dû et le cas échant constituer des provisions ;

  • Prendre les décisions et actions nécessaires en matière de TVA (calculs, déclarations, etc.) ;

  • Tenir compte des impacts au niveau de la paie et les mettre en œuvre pour les salariés concernés.